24 juin 2020

Clin d'oeil

L’entretien d’évaluation dans la fonction publique hospitalière en questions

Les annonces récentes évoquant la refonte du régime indemnitaire dans la fonction publique appellent à la patience concernant toute décision interne sur l’entretien d’évaluation.

En d’autres termes, pour la définition de la politique RH en matière d’évaluation des établissements, il est urgent d’attendre les textes qui suivront le Ségur de la santé. Mais, selon l’histoire des établissements, l’état des lieux peut commencer : concernant le régime juridique, qui n’est pas sans rappeler celui mis en place pour les contractuels permanents depuis 2015, vous en trouverez ici décrit l’essentiel. En un clin d’oeil !

Pour compléter ce texte, n’hésitez pas à consulter nos formations :

CV9 – Les nouvelles règles d’évaluation dans la fonction publique hospitalière

CV10 – Cadres toutes filières : ce qui va changer en 2021

Texte applicable
Décret n° 2020-719 du 12 juin 2020 relatif aux conditions générales de l’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de la fonction publique hospitalière

Rappels préalables

D’un point de vue juridique, jusqu’au 1er janvier 2021, l’article 65 du titre IV du statut général de la fonction publique (loi n° 86-33) dispose que :

« Le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires dans les conditions définies à l’article 17 du titre Ier du statut général est exercé par l’autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du ou des supérieurs hiérarchiques directs. Les commissions administratives paritaires ont connaissance des notes et appréciations ; à la demande de l’intéressé, elles peuvent en proposer la révision. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

Ce n’est donc qu’au 1er janvier 2021 que l’entretien professionnel remplacera la note ; l’article 65 de la précisera alors :

« L’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct ou l’autorité compétente déterminée par décret en Conseil d’État. Lors de cet entretien professionnel annuel, les fonctionnaires reçoivent une information sur l’ouverture et l’utilisation de leurs droits afférents au compte prévu à l’article 22 quater de la loi n° 83- 634 du 13 juillet 1983 précitée. À la demande de l’intéressé, la commission administrative paritaire peut demander la révision du compte-rendu de l’entretien professionnel. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

Qui est concerné par le nouveau décret ?

Les règles s’appliquent aux agents titulaires relevant des corps et emplois de la fonction publique hospitalière, à l’exception de ceux relevant des corps et emplois de direction et des directeurs des soins.

À quelle fréquence a lieu l’entretien ?

L’agent bénéficie chaque année d’un entretien professionnel organisé dans des conditions permettant de garantir la confidentialité et qui donne lieu à un compte-rendu.

Il est conseillé que ces conditions de confidentialité soient précisées dans les documents internes et évoquées avec les partenaires sociaux.

La date de cet entretien est fixée par le supérieur hiérarchique direct et communiquée à l’agent au moins huit jours à l’avance.

La convocation est accompagnée de la fiche de poste de l’intéressé et d’un exemplaire de la fiche d’entretien professionnel servant de base au compte-rendu.

Afin d’éviter une perte de temps ultérieure dans le cadre des contentieux, il est conseillé de prévoir une procédure simple (remise des documents contre signature, réalisée par le cadre ; transmission générale en amont du calendrier d’évaluation…) permettant de prouver ces éléments.

Qui conduit l’entretien ?

L’autorité compétente pour conduire l’entretien professionnel annuel est le supérieur hiérarchique direct de l’agent dans la structure dont il relève et au sein de laquelle il exerce la majorité de son temps de travail.

Ces éléments doivent être précisés en interne (état des lieux des organigrammes, précisions sur le supérieur hiérarchique…), même s’ils ne sont pas nouveaux.

Toutefois, pour les agents ne disposant pas d’un supérieur hiérarchique direct, l’autorité compétente en la matière est le chef d’établissement ou son représentant. Le projet de décret citait les psychologues expressément, ce n’est plus le cas.

Les précisions doivent être apportés en interne.

Quel est le but et le contenu de l’entretien professionnel ?

L’entretien professionnel annuel vise à analyser en commun le bilan des actions menées pendant l’année écoulée et à fixer les objectifs prioritaires pour l’année à venir. Il permet également à l’agent de s’exprimer sur l’exercice de ses fonctions et son environnement professionnel ainsi que, le cas échéant, sur ses souhaits d’évolution de carrière.

L’entretien porte ainsi notamment sur :

  • l’atteinte des objectifs qui ont été fixés à l’agent lors de l’entretien professionnel de l’année précédente ou à l’occasion de sa prise de fonction lorsque celle-ci est intervenue dans l’année, en lien avec les conditions d’organisation et de fonctionnement de la structure dont il relève. Il est important de souligner que toute mobilité en cours d’année s’accompagne, lors d’un entretien de prise de fonction, de la fixation d’objectifs ;
  • la manière de servir de l’agent ;
  • les acquis de son expérience professionnelle ;
  • ses souhaits et perspectives d’évolution professionnelle en termes d’évolution de missions, de changement d’affectation, de mobilité ou de promotion professionnelle ;
  • le cas échéant, ses capacités et son intérêt pour les fonctions d’encadrement ;
  • les objectifs fixés pour l’année à venir, participant de l’amélioration de ses compétences professionnelles, et tenant compte, le cas échéant, des perspectives d’évolution des conditions d’organisation et de fonctionnement de la structure ;
  • ses besoins de formation eu égard, notamment, aux évolutions des techniques et des métiers, et s’agissant des personnels soignants, à l’évolution des modes de prise en charge. Ces besoins prennent en compte les missions confiées, les compétences que l’agent doit acquérir et son projet professionnel.

L’entretien professionnel ne peut se substituer à l’entretien prévu à l’article 4 du décret du 21 août 2008 susvisé, dont il peut être suivi.

Lors de l’entretien, le supérieur hiérarchique direct ou l’autorité compétente s’assure que l’agent connaît les modalités selon lesquelles il peut consulter ses droits sur le service en ligne gratuit et les règles qui régissent l’utilisation des droits afférents au compte personnel de formation. À défaut, il lui communique une information à cet effet.

L’agent est invité à formuler, au cours de cet entretien, ses observations et propositions sur l’évolution du poste et le fonctionnement de la structure dont il relève.

À noter !
Il est conseillé, dans le travail préalable à réaliser dans les établissements, de définir dans un référentiel ce qui est entendu pour chacun des items obligatoires (ces éléments serviront également pour l’élaboration des lignes directrices de gestion) et attendu en termes de restitution dans le compte-rendu d’entretien. Les responsables de formation devront – en théorie – organiser des sessions de formation pour l’ensemble des cadres ou leur fournir un guide pratique sur la pratique dans l’établissement, afin que les agents aient les savoirs nécessaires sur cette thématique.

L’évaluateur doit-il savoir faire la distinction entre le métier et le grade ?

De tout temps : oui ! Mais depuis la publication du décret, de manière indiscutable.

En effet, lorsque l’agent a atteint, depuis au moins trois ans au 31 décembre de l’année au titre de laquelle est établi le tableau d’avancement de grade, le dernier échelon du grade dont il est titulaire et lorsque la nomination à ce grade ne résulte pas d’un avancement de grade ou d’un accès à celui-ci par concours ou promotion internes, le supérieur hiérarchique direct porte chaque année, en complément de l’appréciation générale sur la valeur professionnelle de l’intéressé, une appréciation particulière sur ses perspectives d’accès au grade supérieur.

Cette appréciation particulière est prise en compte lors de la mise en oeuvre des orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours définies par les lignes directrices de gestion.

Ces dispositions sont applicables aux agents en position de détachement, aux agents intégrés à la suite d’un détachement ou directement intégrés, qui n’ont bénéficié, depuis leur nomination au sein de leur administration, établissement ou collectivité territoriale d’origine, d’aucune promotion ni par voie d’avancement ni par voie de concours ou de promotion internes.

Attention cependant, les cas ne seront pas nombreux : cela ne concerne que les agents du premier grade de leur corps, n’ayant eu de promotion professionnelle et ayant atteint le dernier échelon depuis trois ans…

Sur quels critères est apprécié la valeur professionnelle des agents ?

Les critères à partir desquels la valeur professionnelle de l’agent est appréciée, au cours de cet entretien, sont fonction de la nature des missions qui lui sont confiées et du niveau de responsabilité assumé.

Ces critères, fixés par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination après avis du comité social d’établissement, portent notamment sur :

  • les résultats professionnels obtenus par l’agent et la réalisation des objectifs ;
  • les compétences et connaissances professionnelles et techniques ;
  • la manière de servir de l’agent et ses qualités relationnelles ;
  • la capacité d’expertise et, le cas échéant, la capacité d’encadrement ou à exercer des fonctions d’un niveau supérieur.

Cela signifie que l’appréciation générale doit comporter des verbatim sur ces critères (a minima) et non plus sur quelques phrases généralistes.

Le compte-rendu de l’entretien est-il libre ?

Non ! Il devra suivre une trame, arrêtée par le chef d’établissement, après avis du CTE (CSE à compter de 2023) et suivant un modèle qui sera fixé par arrêté.

En pratique, les établissements utilisant Gesform seront bien plus dans une adaptation que dans une révolution !

Le compte-rendu de l’entretien, qui doit porter sur l’ensemble des thèmes abordés, est établi et signé par l’autorité compétente (supérieur hiérarchique direct le plus souvent). Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle.

Quelle sera la procédure de transmission à l’agent de ce compte-rendu ?

Des recours étant possibles, la procédure prévue par le décret est assez rigide.

Dans un délai maximum de trente jours suivant l’entretien professionnel, le compte-rendu est communiqué à l’agent qui, le cas échéant, le complète par ses observations.

L’agent dispose de quinze jours pour le retourner à son supérieur.

Le compte-rendu est visé, dans les faits, par le directeur ou la directrice des ressources humaines, qui peut formuler, s’il ou elle l’estime utile, ses propres observations.

Le compte-rendu est notifié à l’agent, qui le signe pour attester qu’il en a pris connaissance puis le retourne à l’autorité investie du pouvoir de nomination, qui le verse à son dossier.

L’agent peut-il faire un recours ?

Oui ! Un recours hiérarchique dans un premier temps, préalable obligatoire à un recours devant la CAP.

L’autorité investie du pouvoir de nomination peut être saisie par l’agent d’une demande de révision du compte-rendu de l’entretien professionnel.

Ce recours est exercé dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de notification à l’agent du compte-rendu de l’entretien.

La direction notifie sa réponse dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de réception de la demande de révision du compte-rendu de l’entretien professionnel.

La commission administrative paritaire peut, à la demande de l’intéressé et sous réserve qu’il ait au préalable exercé la demande de révision mentionnée à l’alinéa précédent, proposer à l’autorité investie du pouvoir de nomination la modification du compte-rendu de l’entretien professionnel. Dans ce cas, communication doit être faite à la commission de tous les éléments utiles d’information.

La commission administrative paritaire doit être saisie dans un délai d’un mois à compter de la date de notification de la réponse formulée par l’autorité investie du pouvoir de nomination dans le cadre de la demande de révision.

La direction communique à l’agent, qui en accuse réception, le compte-rendu définitif de l’entretien professionnel.

Il peut ensuite faire un recours contentieux.

L’entretien d’évaluation aura t’il un impact sur les carrières et la rémunération ?

Sur les carrières c’est une évidence, il s’agit de l’esprit même de la loi de transformation de la fonction publique.

Les comptes rendus d’entretiens professionnels sont pris en compte pour l’établissement du tableau selon des critères qui sont définies dans les lignes directrices de gestion.

Concernant la rémunération, le décret précise que lorsque des régimes indemnitaires prévoient une modulation en fonction des résultats individuels ou de la valeur professionnelle, ces critères sont appréciés par l’autorité investie du pouvoir de nomination en prenant en compte le compte rendu de l’entretien professionnel.

Mais sur ce point, pour revenir à l’introduction, il est urgent d’attendre les annonces du Ségur de la Santé.

Quelles sont les dispositions préalables ?

Jusqu’au renouvellement général des instances de la fonction publique, la compétence du comité social d’établissement est exercée par le comité technique compétent.

Les dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2021 et s’appliquent aux entretiens professionnels conduits au titre de l’année 2020.