Une réforme profonde du statut de la fonction publique est en marche. Et ce sans réel débat de fond…
Cette réforme passe par des introductions discrètes de mesures dans des textes de loi sans réel lien avec celle-ci. Nous avons tous en mémoire la tentative, avortée par le Conseil constitutionnel, d’amplifier le recrutement de directeurs contractuels.
Une nouvelle fois, un simple article remet en cause, sur un autre sujet, mais tout aussi important, le statut de la fonction publique.
L’article 110 de la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel contient une mesure discrète, certes, mais introduisant un réel bouleversement statutaire ! Elle aura fait couler moins d’encre que le recours à des directeurs contractuels mais elle n’en est pas moins significative.
La nouvelle rédaction de l’article 62 du titre IV du statut général de la fonction publique dispose que « lorsqu’un fonctionnaire bénéficie d’une disponibilité au cours de laquelle il exerce une activité professionnelle, il conserve, pendant une durée maximale de cinq ans, ses droits à l’avancement ». Un décret en Conseil d’État viendra préciser l’application de cette disposition.
Ces nouvelles dispositions sont applicables aux mises en disponibilité et aux renouvellements de disponibilité prenant effet à compter du lendemain de la publication de la loi.
Des dispositions identiques sont introduites pour les deux autres fonctions publiques.
Ainsi donc, le temps travaillé dans le secteur privé sera pris en compte pour l’avancement d’échelon (et dans une certaine mesure pour l’avancement de grade). N’y a-t-il pas là une entorse tout aussi importante aux valeurs du statut, en permettant des allers-retours entre salariat et fonctionnariat sans impact sur la carrière ? Est-il possible de lire séparément deux dispositions remettant significativement en cause les grands principes de la fonction publique et de ne pas s’en émouvoir tout autant ?
Car, en incitant les fonctionnaires à exercer une mobilité dans le secteur privé tout en leur assurant une continuité de carrière publique, c’est, tout autant qu’en favorisant le recrutement de personnels contractuels, une réelle réforme, discrète, mais profonde, du statut de la fonction publique. Les plus favorables à cette mesure argueront de la présence d’une commission de déontologie. Mais l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen consacre le fait que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Or, en laissant un tel contrôle à une commission composée de fonctionnaires, permettre ainsi le développement avantageux d’une double carrière ne peut qu’avoir sa place dans une réforme globale.
Sur le fond, la question de l’actualisation du statut général de la fonction publique se pose de manière évidente. Sur la forme, elle ne peut être réalisée sans véritable débat au fond !
Jean-Yves Copin