Un sentiment de mal-être lors dans un entretien n’est pas constitutif d’un accident de service
CAA de Bordeaux, 2e chambre, 13/06/2024, 22BX03083 – Inédit au recueil Lebon
Pour mémoire, l’article L822-18 du Code général de la fonction publique dispose que : « Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu’en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service. »
Dans cette espèce, Mme D… aide-soignante, « a été en arrêt de travail entre le mois d’avril 2015 et le mois de février 2019, en raison d’une maladie professionnelle, puis a bénéficié d’un temps partiel thérapeutique à compter du mois de mars 2019 sur un nouveau poste aménagé d’aide-kinésithérapeute, pendant une durée de 6 mois ».
Par la suite, elle a été reçue par l’attaché d’administration du centre hospitalier, qui l’a informée de ce que le poste qu’elle occupait était supprimé. Dans sa déclaration d’accident de service, elle indique avoir « été choquée » par l’entretien du 8 août 2019, « avoir eu envie de pleurer sur le moment, […] s’être sentie incomprise, diminuée ».
Pour la cour, ces seules déclarations relatives à un état de mal-être ne suffisent pas à établir que l’entretien aurait donné lieu à un comportement ou à des propos de l’attaché d’administration du centre hospitalier excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. Ainsi, la dépression dont elle souffre et dont l’entretien ne peut être considéré comme la cause principale, détache l’accident du service.
L’agent victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle peut solliciter l’indemnisation de ses préjudices patrimoniaux et personnel
CAA de LYON, 3e chambre, 26/06/2024, 23LY00074 – Inédit au recueil Lebon
Dans cet arrêt, la cour administrative d’appel de Lyon rappelle qu’un agent victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle peut solliciter l’indemnisation de ses préjudices patrimoniaux et personnel :
« Les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d’accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d’invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d’invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l’obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu’ils peuvent courir dans l’exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l’invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d’une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la collectivité qui l’emploie, même en l’absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu’une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l’ensemble du dommage soit engagée contre cette personne publique, dans le cas notamment où l’accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne. »
Cependant, dans cette espèce, la seule circonstance que l’agente a chuté sur le sol humide et non signalé de sanitaires de l’établissement ne suffit pas, en l’absence de toute autre précision quant aux circonstances de cet accident, pour établir que les locaux auraient souffert d’un défaut d’entretien normal, ni que le centre hospitalier aurait manqué à son obligation de sécurité, et de maintien de ses locaux en état de propreté.
Licenciement d’un agent refusant de reprendre son service malgré les avis médicaux favorables
CAA de Marseille, 4e chambre, 04/06/2024, 23MA03109 – Inédit au recueil Lebon
Cet arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille, qui concerne la fonction publique territoriale, illustre une nouvelle fois les situations d’abandon de poste d’agents déclarés aptes à la reprise mais qui refusent de reprendre leurs fonctions.
En l’espèce, malgré l’affection qui a justifié son placement en congé de maladie ordinaire du 3 septembre 2018 au 2 septembre 2019 inclus, une agente a été considérée comme apte à reprendre son service :
- d’abord à compter du 3 décembre 2019 par un avis du comité médical du 6 novembre 2019 ;
- suivi le 19 novembre 2019 de l’avis du médecin de prévention préconisant une reprise à temps partiel thérapeutique, notamment sur un poste en équipe ou en binôme ;
- puis à compter de la notification de l’avis du comité médical du 18 novembre 2020, sur un poste aménagé à temps partiel thérapeutique à 50% ;
- et enfin dès la notification de l’avis de ce comité du 24 février 2021 la déclarant apte à la reprise en mi-temps thérapeutique, suivi de l’avis du médecin de prévention du 12 mars 2021 favorable à cette reprise.
En outre le dossier comportait un avis d’un médecin psychiatre précisant que l’agente « souffrait d’un état anxio-dépressif sévère entrant dans le cadre de troubles dysthymiques qui étaient en voie de stabilisation ».
Cependant, le médecin traitant de l’intéressée, qui est l’auteur de l’ensemble de ses arrêts de travail, a établi un avis qui fait état de l’aggravation de son état et de son incapacité à occuper un poste de travail. La cour estime que cet avis n’est pas à lui seul, « compte tenu de sa teneur et de son contexte d’intervention, constitutif d’un motif valable lié à son état de santé et justifiant son refus de reprendre le service ».
Par conséquent, l’agente ayant épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire et ayant été déclarée apte à la reprise de son service, le maire de Pélissanne a pu légalement, prononcer son licenciement après avoir constaté son refus de reprendre son service sur le poste qu’il lui avait valablement assigné, et recueilli l’avis favorable de la commission administrative paritaire.