Conseil d’État, 26/01/2021, n°437989, mentionné aux tables du recueil Lebon /
Le Conseil d’État, dans un arrêt du 26 janvier dernier, a été amené, dans un arrêt mentionné aux tables du recueil Lebon que :
« Si le vote électronique par internet est susceptible de constituer une modalité de vote au même titre que le vote à l’urne et le vote par correspondance, il implique, en raison de ses spécificités et des conditions de son utilisation, que des garanties adaptées soient prévues pour que le respect des principes généraux du droit électoral de complète information de l’électeur, de libre choix de celui-ci, d’égalité entre les candidats, de secret du vote, de sincérité du scrutin et de contrôle du juge soit assuré à un niveau équivalent à celui des autres modalités de vote. »
En l’espèce, le juge a annulé les élections aux commissions administratives paritaires des agents de la fonction publique hospitalière du département des Bouches-du-Rhône de 2018 en considérant que la procédure de vote électronique n’apportait pas les garanties nécessaires.
Le juge rappelle qu’aucune disposition du décret 14 novembre 2017 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du vote électronique par internet […] ne prévoit la possibilité, pour les électeurs ayant reçu communication de leur identifiant et de leur mot de passe, de demander, en cas de perte de ceux-ci, que leur soient à nouveau communiqués les éléments d’authentification nécessaires pour participer au scrutin.
Il admet qu’il est possible pour une autorité administrative, dans le but de favoriser la participation des agents au scrutin, de prévoir une procédure de « réassort », celle-ci doit être de nature à garantir le respect des principes du droit électoral, notamment le secret du vote et la sincérité du scrutin. Ainsi, une telle procédure doit permettre de s’assurer de l’identité de l’électeur qui sollicite une nouvelle communication de son identifiant et de son mot de passe ainsi que du caractère personnel du ou des modes de communication par lesquels ils lui sont transmis.
En l’espèce, le dispositif de vote électronique mis en place pour les élections aux commissions administratives paritaires départementales, approuvé par le protocole d’accord préélectoral signé entre l’AP-HM et les organisations syndicales représentatives du personnel, prévoyait que les électeurs se verraient adresser leur identifiant et leur mot de passe par deux courriers postaux séparés et qu’une procédure de « réassort éventuel » permettrait à tout électeur d’obtenir, en cas de perte, la réédition de son identifiant et de son mot de passe par l’intermédiaire d’une assistance téléphonique ou d’un formulaire en ligne.
Dans le premier cas, l’opérateur devait vérifier l’identité du demandeur en lui demandant de communiquer ses nom, prénom, date et ville de naissance puis déclenchait l’envoi, sur le support indiqué par le demandeur, de son identifiant, identique à celui qui avait été obtenu initialement, ainsi que d’un nouveau mot de passe se substituant au précédent.
Dans le second cas, le demandeur accédait au formulaire en ligne et saisissait ses données d’identification ainsi qu’un numéro de téléphone mobile. Un code d’identification, envoyé sur ce numéro, devait être saisi par le demandeur dans le formulaire en ligne avant que l’identifiant, identique à l’identifiant initial, et le nouveau mot de passe de l’électeur lui soient envoyés dans un même message électronique.
Le Conseil d’État estime que la seule vérification des nom, prénom, date et lieu de naissance du demandeur qui sollicitait la mise en œuvre de la procédure de « réassort » n’est pas suffisante, ces informations pouvant aisément être connues de tiers.
De même, le moyen de communication par lequel étaient envoyés l’identifiant et le nouveau mot de passe était celui qu’indiquait le demandeur qui sollicitait ce « réassort », mais rien ne garantissait qu’il ne serait accessible qu’à l’électeur. Ainsi, les modalités retenues pour le vote électronique par internet n’offraient pas une protection du caractère personnel du vote d’un niveau équivalent à celui des autres modalités de vote.
Ces absences de garantie justifient l’annulation du scrutin.